Photo : Patricia Houéfa Grange
"Ce recueil de contes noirs et flamboyants est en effet un livre-passage à bien des niveaux. Passage de l’enfance à l’adolescence, passage de l’adolescence au monde adulte, passage du monde humain au monde animal, voire à celui des éléments, du rêve au réel, de la souffrance à la délivrance, de l’innocence au crime, du monde des vivants à celui des morts, en laissant toujours, telle la veilleuse de nos jeunes nuits, la porte entrouverte – titre du récit d’ouverture.
Là encore, la poésie est bien présente au fil de ces quinze récits, délicate, juste, onirique et fantastique. Même si nous sommes toutes et tous des exilé.e.s de nos enfances et que nombre d’entre nous en sommes nostalgiques, ce recueil vient nous rappeler à quel point, au moment où nous la vivions, nous avons pu nous en sentir prisonniers et prisonnières. A quel point nous avons pu nous ennuyer, attendre avec impatience de « devenir grands » pour ne plus avoir à respecter les règles imposées par nos parents, attendre avec impatience d’élargir nos horizons, à quel point cauchemars et terreurs incontrôlables ont pu nous paniquer, à quel point nous nous sommes souvent réfugiés dans nos rêveries et nos imaginaires qui dessinaient alors notre seul monde réel. L’enfance n’est pas un long fleuve idyllique. Et enfance ne rime pas toujours avec innocence. Un enfant est un être aussi complexe qu’un adulte et ce sont ces différentes facettes que les quinze contes en clair-obscur de Marianne Desroziers explorent aussi.
Enfin, la figure maternelle est centrale entre les pages de ces Fantasmagories.
La mère et son corps, protecteur – ou pas, présent – ou pas, ce corps
dont on est issu et dans lequel souvent on souhaiterait retourner, mais
dont on peut aussi vouloir s’éloigner au plus vite. La mère/la maison,
la protection/la prison.
Au final, lorsqu’il faut finir par
franchir la frontière et jouer à être adulte, peut-être que nous faisons
tous comme les deux héros de la nouvelle de clôture, L’amour du feu, mais je ne vous en dirai pas plus.
"Fantasmagories- Contes noirs et flamboyants" aux Éditions de l’Abat-jour est un recueil à la lecture très touchante,
aigre-douce, saveur enfance. Il forme un ensemble cohérent dont j’ai
apprécié chacune des pièces, avec une préférence cependant pour les
contes mettant en scène une certaine inversion : le défunt qui n’a pas
encore réalisé qu’il est mort, le rêvé qui raconte la rêveuse…."
Merci à Patricia Houéfa Grange, poétesse, traductrice et artiste aux talents multiples, pour cette belle critique postée sur son blog, Papillons de mots sous le titre "Lectures monstres et fantômes" ici.