« (...) Petit à petit, les gens se sont lassés, ils ont trouvé une
autre plage avec moins de vent, plus de place pour étaler les serviettes, des
tables en bois pour les pique-niques, des tourniquets et des toboggans pour les
enfants. La plage est redevenue quasi déserte, mais elle n’a plus cet aspect
sauvage de mes premières vacances. Elle a l’air d’un vieux parc d’attractions
désaffecté, une femme d’âge mûr que son mari... C’est drôle cette envie de
pleurer qui me vient tout le temps depuis cette terrasse, pourtant il n’y a pas
de vent. On dirait qu’il va pleuvoir, tant mieux : rien de tel qu’une
bonne averse pour fertiliser les sols, purifier les âmes, assainir les cœurs.
Je me souviens d’un temps où j’avais peur de ce vide immense qui prend aux
tripes et ne vous lâche pas avant plusieurs heures, parfois plusieurs jours.
Aujourd’hui, je ne le crains plus, je le recherche même parfois. Oui, certaines
choses ont changé et il me faudrait faire un tri dans mes souvenirs. De toute
façon, j’ai si peu de bons souvenirs qu’ils rentreraient tous facilement dans
ma vieille boîte à bijoux. Qu’est-ce que j’ai bien pu en faire de cette boîte à
bijoux ? Pendant des années, elle est restée dans le premier tiroir de ma
commode, d’abord comme un de ces objets précieux qu’on veut garder à tout prix,
puis comme une chose un peu embarrassante qu’on se sent coupable de garder mais
qu’on ne peut pas jeter si facilement. Comment aurais-je pu m’en
débarrasser ? À moins que maman…
Un jeune garçon d’une dizaine d’années assis en tailleur sur le ciment de la terrasse, adossé à la baie vitrée, sursaute quand la femme de l’autre côté de la vitre frappe trois coups secs. Il se lève, fait quelques pas et s’assoit de la même manière contre la balustrade, le regard tourné vers la mer. (...) »
extrait de Depuis les terrasses in Lisières de Marianne Desroziers à paraître le 1er juin 2012.
Un jeune garçon d’une dizaine d’années assis en tailleur sur le ciment de la terrasse, adossé à la baie vitrée, sursaute quand la femme de l’autre côté de la vitre frappe trois coups secs. Il se lève, fait quelques pas et s’assoit de la même manière contre la balustrade, le regard tourné vers la mer. (...) »
extrait de Depuis les terrasses in Lisières de Marianne Desroziers à paraître le 1er juin 2012.