Justine Boudet est lycéenne, future étudiante en Métiers du Livre. Elle a déjà interviewé Christian Domec, éditeur de "Lisières" (vous pouvez lire l'interview ici) et j'ai accepté avec plaisir de répondre à ses questions sur l'écriture, l'édition, le rapport écrivain / éditeur et écrivain / lecteur. Merci à elle pour la qualité de ses questions et je lui souhaite de toute coeur de réussir ses études et de s'épanouir dans ces métiers aux débouchés incertains mais que l'on fait avec passion... surtout je lui souhaite plein de belles lectures à venir. Merci Justine !
Justine Boudet : Bonjour Marianne Desroziers, et
merci de répondre à ces quelques questions en vous prêtant à cette interview.
Tout d’abord, avant de nous concentrer sur votre premier recueil de nouvelles
publié aux Penchants du Roseau - 1er juin 2012 - nommé Lisières, j’aimerais
m’attarder sur vos autres activités littéraires. Vous dites que la littérature
vous caractérise : En a-t-il toujours été ainsi ? Ou bien peut-être
cette passion s’est-elle réveillée après un évènement
particulier ?
Marianne Desroziers : La passion de la littérature,
d’abord en tant que lectrice puis en tant qu’écrivain, m’est venue autour de 25
ans, suite à un événement particulièrement douloureux (la perte d’un être
cher) : la littérature m’a ramené vers la vie alors que je m’en éloignais.
Certes il y avait des livres chez moi quand j’étais enfant, ma mère m’en
achetait, m’en lisait, j’étais inscrite à la bibliothèque municipale et y
allais régulièrement mais je suis devenue une grande lectrice après 25 ans.
J’ai d’abord été une boulimique de la lecture (lisant deux, trois, quatre
livres par semaine) avant d'apprendre à devenir gastronome (aujourd’hui je lis
moins mais mieux et surtout je partage mes lectures).
JB : Est-ce la lecture d’un livre en particulier
qui vous aurait décidé à écrire ? Même si ce n’est pas le cas, y a-t-il un
livre qui vous a marqué plus que les autres, et qui aurait pu influencer votre
manière d’écrire ? J’aimerais que vous me définissiez votre rapport avec
l’écriture.
MD : Virginia Woolf a indéniablement été pour moi une
rencontre décisive, en tant que lectrice et en tant qu’auteur. J’admire sa
finesse d’esprit, la subtilité avec laquelle elle fait ressentir aux lecteurs
les pensées, les sentiments et les sensations de ses personnages. L’image de
sérieux et de tristesse que beaucoup ont de cette grande écrivain est
injuste : ses textes (nouvelles, romans, journal) sont pleins d’un humour
souvent féroce et d’une légèreté qui tranchent avec sa biographie (elle a
souffert de maladie mentale et s’est suicidée par noyade). Cette femme dont
j’ai presque tout lu m’a beaucoup inspirée et m’inspire encore, même si cette
influence ne se ressent pas dans tous mes textes. Dans « La couverture
rouge » ou « Depuis les terrasses », elle est évidente et il
serait ridicule de le nier. « La couverture rouge » a même été écrite
comme un pastiche de Virginia Woolf. Concernant mon rapport à l’écriture, il
est simple : cela m’est devenu indispensable. Si je n’écris pas pendant
trop longtemps, je ne me sens pas bien. J’en ai besoin pour me sentir moi tout
simplement. J’ai besoin d’échappées imaginaires, de créer des personnages, des
situations, de manipuler les mots, les idées, la langue.
JB : On peut découvrir sur votre blog (http://mariannedesroziers.blogspot.fr/)
que votre activité littéraire est effectivement très riche : depuis 2010
déjà plusieurs nouvelles dont vous êtes l’auteur sont publiées dans des revues
littéraires. Je me demande comment s’est déroulé le début de cette
aventure : est-ce l’écriture qui vous a ouvert les portes de la critique
littéraire, ou bien à l’inverse vos activités littéraires qui vous ont permis
de publier vos nouvelles ?
MD : Quelqu’un qui écrit c’est souvent quelqu’un qui a
beaucoup lu avant. Ma pratique de l’écriture (nouvelles ou romans) et celle de
la lecture se nourrissent l’une l’autre. Quant à la critique, elle est venue
naturellement d’abord par le biais de mon blog, Le Pandémonium Littéraire créé
en 2010 pour partager mes enthousiasmes littéraires car lire seul dans son coin
et ne pas parler de ses lectures aux autres c’est comme aller au cinéma toute
seule et n’avoir personne à qui parler du film : c’est trop triste !
J’aime transmettre, partager, échanger autour des livres principalement mais
des arts de manière générale (cinéma, arts plastiques, musique, etc.). Mais si
j’essaie de reconstruire la chronologie des évènements (ce qui n’est pas
évident) je peux dire que j’ai commencé à écrire des nouvelles et des
romans en 2004, soit bien avant d’écrire des critiques sur mon blog ou ailleurs
(puisque je collabore bénévolement à des sites comme La Cause littéraire et Le
Salon littéraire depuis quelques mois). Je ne suis pas critique littéraire au
sens où je ne gagne pas d’argent avec cette activité et que je ne suis pas
journaliste de profession et ne possède pas de carte de presse : je suis
une lectrice lambda qui essaie de donner un avis construit et étayé sur les
livres qu’elle lit.
JB : Je remarque que votre écriture prend
exclusivement la forme de nouvelles : serait-ce là votre mode d’écriture
de prédilection, celui par lequel vous préférez vous exprimer ? Trois
romans, parmi lesquels Intra muros sont en attente d’être publié ou en cours
d’écriture ; désirez-vous essayer peut-être une nouvelle forme d’écriture,
ou bien celle-ci s’est-elle imposée d’elle-même ?
MD : Beaucoup d’écrivains qui se lancent dans
l’écriture commencent par la nouvelle : c’est presque un passage obligé.
Écrire une nouvelle prend moins de temps et semble moins engageant que le roman
et de plus cela permet de tester des choses, d’expérimenter au niveau du style
comme au niveau des thèmes. D’autre part, s’il est très difficile de trouver un
éditeur pour publier son roman il est plus facile de placer des nouvelles dans
des revues, ce qui est aussi un moyen de se faire connaître et de découvrir
d’autres auteurs. Certains grands écrivains sont des maîtres de la nouvelle et
n’ont jamais écrit de roman (Borges, Carver par exemple) mais de manière
générale tout écrivain rêve d’écrire un jour un roman, de créer un univers sur
plusieurs centaines de pages. Il faut avoir le temps, le courage et l’idée.
J’ai écrit deux romans pour l’instant si je mets de côté les premiers romans
qui sont encore dans des cahiers d’écolier, œuvres de jeunesse rédigées en 2004
et 2005. Le premier « Laure disparue » devrait être publié à
l’automne ou à l’hiver prochain. Quant au deuxième, « La vie
d’artiste », rien n’est encore décidé mais j’espère qu’il trouvera un
éditeur. J’en ai commencé un troisième, « Intra Muros » qui me tient
à cœur et que je compte reprendre cet été quand j’aurais plus de temps car il
est difficile de concilier activité salariée et écriture, surtout quand on
s’occupe également d’une revue comme c’est mon cas avec L’Ampoule, la revue des
éditions de l’Abat-Jour. Et puis j’ai aussi besoin de temps pour lire… la
lecture c’est du temps volé à la société : j’aime bien cette idée de
subversion dans l’acte de lire.
JB : Cette question-ci, je l’ai découverte dans
votre interview de Serge , et je me retrouve à vous la poser à mon tour, car
elle est primordiale : « qu’est-ce qui vous intéresse dans
l’écriture ? »
MD : Ce qui m’intéresse dans l’écriture c’est cette
impression que tout est possible, qu’il n’y a pas de limite à ce qu’il est
possible de créer. Les limites c’est nous qui nous les posons en nous
autocensurant, en ayant peur de choquer le lecteur ou de donner une image de
nous un peu différente. L’écrivain, l’artiste en général doit briser les murs
qu’il a dans la tête pour créer des œuvres intéressantes, personnelles, qui
sortent de l’ordinaire, qui se distinguent de la masse. Écrire c’est être Dieu,
c’est réinventer le monde. Et dans mon cas, après des études de Sociologie où
j’étais très près du réel, c’est une bouffée d’air pur, une liberté nouvelle.
En tant que lectrice je suis très attachée au style : quels que soient le
thème, le décor et les personnages, c’est le style qui m’emporte (ou pas).
C’est pour cela qu’à côté de Virginia Woolf, mon panthéon personnel se compose
d’écrivains pour qui le style est primordial (Céline, Lautréamont, Hélène
Bessette, Jean-Pierre Martinet, et quelques autres). Il y a une jubilation
intellectuelle, quelque chose de l’ordre de la jouissance esthétique à lire un
texte beau et qui sonne juste (pour moi les deux sont liés) et en tant
qu’écrivain j’aspire aussi à ce que le lecteur ressente cela à la lecture de
mes textes. C’est très ambitieux bien sûr mais je pense qu’il faut être
ambitieux quand on écrit. En tout cas, la simple lecture divertissement ne
m’intéresse pas, même si j’aime aussi la légèreté et l’humour en littérature.
JB : Pourriez-vous nous présenter Lisières, le
recueil de nouvelles publié aux « Penchants du roseau » ?
Cependant nous pouvons facilement trouver un résumé conventionnel, je parle ici
d’une présentation plus personnelle. Ce que ce recueil représente pour vous, ce
qui entoure sa création...
MD : Lisières est un recueil de nouvelles dont le
point commun est d’être sur le fil, à la limite, à la frontière entre deux
mondes. J’ai choisi ses nouvelles parmi plusieurs dizaines parce qu’elles me
semblaient être les plus abouties – je vous parle ici des nouvelles écrites
avant fin 2011, date à laquelle je les ai envoyées à Christian Domec. J’y
explore des situations étranges, des basculements de la mémoire, des histoires
de fantômes et de lectrice perdue dans sa bibliothèque.
JB : Yasmina Hasnaoui, qui a émis un critique de
Lisières, écrit : « Lire Lisières c’est entrer dans un monde où
l’ordinaire et l’extraordinaire se confondent. C’est accepter de voir des
ombres furtives, des souvenirs se matérialiser, un horizon trouble où des êtres
semblent sortir de nulle part. En un mot c’est être dans un ailleurs. » Ce
brouillage entre ordinaire et extraordinaire peut ne pas être évident à lire,
j’entends par là que certaines personnes ne se sentent pas forcément à l’aise
avec ce genre d’écriture : cet effleurement du surnaturel peut décourager,
ou ne pas attirer. Ces nouvelles s’adressent-elles à une certaine catégorie de
lecteurs, ou bien essayez-vous au contraire de les rendre accessible à
tous ?
MD : J’aimerais écrire à la fois pour les femmes de
ménage et les professeurs d’université. Mes nouvelles s’adressent à tous et à
toutes. Je n’aimerais pas être lue que par une certaine catégorie de personnes.
Dans les faits, je sais que certaines nouvelles sont difficilement accessibles.
Je le regrette un peu mais j’entends tirer vers le haut mes lecteurs. Un bon
livre se mérite. On s’accroche, on lit plus lentement, au besoin on ne lit
qu’une nouvelle à la fois et on la relit pour mieux comprendre
.
JB : Destinez-vous vos écrits à un public très
large, ou bien s’adressent-ils à une catégorie de personnes plus restreintes,
qui sauraient saisir les subtilités de votre écriture ? J’ai lu par
exemple qu’elle était parcourue de beaucoup de références littéraires.
MD : Il me semble qu’une grande œuvre (littéraire,
artistique, cinématographique) peut être appréhendée de plusieurs manières,
avec différents niveaux de lecture. Bien sûr, plus on est cultivé, plus on peut
saisir les références mises par l’auteur dans le texte. Oui, certaines
nouvelles comme « Le vice enfin puni » parlera plus aux grands
lecteurs qui ont lu les livres dont je parle (« Alice au pays des
merveilles » de Lewis Caroll ou « Cent ans de solitude » de
Gabriel Garcia Marquez) mais j’espère que les autres seront amusés par cette
histoire d’une jeune femme qui traverse « physiquement » sa
bibliothèque, faisant une halte dans les pages de ses livres et qui s’y
perd.
JB : Plus particulièrement, pouvez-vous nous
parler de votre inspiration pour Lisières ? Il serait intéressant de
savoir ce qui vous a poussé à passer à l’écriture, et également ce qui a fait
germer en vous l’idée de ces différentes nouvelles rassemblées en un recueil.
Je m’interroge également : y a-t-il quelque chose de commun entre tous vos
écrits, comme un leitmotiv en toile de fond, un « thème » qui vous
tiendrait à cœur ?
MD : Les nouvelles du recueil ont été écrites en
l’espace de plusieurs mois, certaines pour des concours, notamment « La
couverture rouge » pour un concours de nouvelles autour du pastiche,
d’autres selon l’inspiration du moment. Quelle que soit la tonalité de mes
nouvelles (psychologique, fantastique, noire, humoristique) je constate qu’il y
a très souvent la présence de la mort qui rôde ou de fantôme qui hante un lieu.
Dans des nouvelles publiées ailleurs dans des revues
(« L’Angoisse » notamment), je vais loin dans la violence et la
noirceur. Même si on ressent cette violence dans certaines de mes nouvelles de
Lisières, « Depuis les terrasses » en particulier, elle est plus
latente. La mort, la violence mais aussi le souvenir, la mémoire sont mes
thèmes de prédilection je crois mais je ne m’interdis rien (sinon, ça ne
vaudrait pas la peine d’écrire).
JB : Lisières, votre première publication papier,
aux « Penchants du Roseau » ! Qu’avez-vous ressenti, qu’est-ce
que cette étape a représentée pour vous ?
MD : Publier son premier livre, ça n’arrive qu’une
fois dans une vie. J’ai été très émue quand j’ai tenu mon livre entre les
mains… d’autant que Christian Domec fait ses livres lui-même, chez lui, en
utilisant un beau papier et avec beaucoup d’amour. J’avais le trac aussi, la
peur que les lecteurs ne suivent pas, qu’ils n’aiment pas. On se sent fragilisé
quand son livre, son bébé en quelque sorte part à la rencontre du public.
Heureusement Christian a toujours été là pour m’encourager et me rassurer…
voire me défendre en cas d’attaques injustes.
JB : J’aimerais d’ailleurs savoir comment cela a
vu le jour : comment votre rencontre avec Christian Domec a eu lieu ?
J’ignore qui a fait le premier pas vers l’autre, pourriez-vous nous parler des
prémices de votre aventure ?
MD : Nous nous sommes rencontrés (virtuellement) par
le biais du site Manuscrit des éditions Léo Scheer : il s’agissait, à
l’époque (car le concept a bien changé depuis et je m’en désolidarise
aujourd’hui) d’une plate-forme où tout un chacun anonymement ou sous
pseudonymes pouvait mettre ses textes en ligne et avoir un retour de lecteurs.
Quelques mois après que Christian ait découvert mes textes sur ce site, nous
nous sommes retrouvés sur Babelio, un site de lecteurs et nous avons parlé
clairement de travailler ensemble. À la suite de quoi j’ai sélectionné 6
nouvelles que j’ai envoyées à Christian par mail, il a pris le temps de les
imprimer, de les lire attentivement et un jour il m’a dit Banco.
JB : Pourriez-vous nous parler de la relation avec
l’éditeur au cours de la publication du livre ? J’aimerais en savoir plus
sur le travail de chacun sur sa création. Par exemple, l’éditeur a-t‘-il accès
à l’entièreté de l’œuvre si besoin est d’effectuer des modifications, en tant
qu’écrivain avez-vous toujours un grand pouvoir de décision ? Il serait
intéressant que vous nous décriviez la phase éditoriale de votre recueil de
nouvelles, ainsi que les relations qui se sont tissées avec Christian Domec,
qui l’a publié.
MD : Avant de proposer mes nouvelles à Christian
Domec, j’avais déjà lu et aimé plusieurs livres édités par lui (ceux de Cécile
Fargue surtout) et j’avais repéré la collection « Petits Penchants ».
J’ai donc choisi d’envoyer des nouvelles que je pensais pouvoir s’intégrer à
son catalogue et à cette collection en particulier. Ensuite, il a lu avec
attention les 6 nouvelles et a décidé d’en faire un recueil. Puis, il m’a
proposé un contrat, me laissant très libre d’aller vers d’autres éditeurs
tenter ma chance. Ensuite, nous sommes passés à la délicate et pas très
agréable (même si très enrichissante au final) phase de corrections. Au-delà
des quelques fautes d’orthographe que l’on laisse corriger volontiers, il y a
tout le reste : Christian m’a aidé à alléger mes phrases, à simplifier, à
aller à l’essentiel. Son but, ainsi qu’il me l’a expliqué était d’enlever dans
mes textes tout ce qui n’était pas moi. Le travail a été fastidieux mais
Lisières s’en est trouvé grandement amélioré. Concrètement, il m’a envoyé un
fichier avec des corrections possibles et pour chaque proposition, j’ai accepté
ou refusé et nous en discutions ensuite, chacun avançant ses arguments (et nous
sommes deux têtus : il faut dire que je suis à moitié bretonne moi
aussi !). Christian Domec m’avait bien précisé que le dernier mot me
revenait toujours et qu’il se rangerait à mon avis au final, ce qu’il a fait.
Petit à petit, le livre est né. Cela a abouti quand, par un beau matin, le
facteur a posé dans ma boîte aux lettres le livre, mon livre : Lisières.
Il y avait mon nom sur la couverture ainsi qu’un dessin de William Mathieu mon
compagnon (qui est artiste peintre). Les pages du livre étaient d’une belle
couleur crème, épaisse qu’on a plaisir à tourner. Depuis, le livre fait son
chemin, en librairie et lors de manifestations littéraires auxquelles je
participe dans le Sud-Ouest mais aussi celles auxquelles participe Christian en
Bretagne. J’ai eu beaucoup de retours de lecteurs très intéressants. Une des
plus intéressantes remarques a été celle émise par deux lecteurs (ne se
connaissant pas) qui m’ont dit que mon écriture était toujours comme une
alternance d’une caresse et d’une gifle : je n’y avais pas pensé mais j’ai
trouvé ça très pertinent. Les interprétations des lecteurs nous font découvrir
des choses sur le livre qu’on a écrit et sur nous-mêmes aussi.
JB : Votre quatrième de
couverture « Lecteur, suis-moi sur ce chemin, à la lisière, même - et
surtout - si tu ne sais pas où il te mènera. La lecture est un risque à
prendre. Ceci est une invitation au voyage, au périple le long de la frontière
de toutes les frontières. Celles poreuses entre la réalité et l’illusion, le
banal et l’extraordinaire, le monde des vivants et celui des morts. (….) Voilà
ce qui t'attend dans ces six nouvelles que j'ai voulues emplies de mystère,
d'étrangeté et d'ambiguïté, te laissant, cher lecteur, ta part
d'interprétation. » S’adresse directement au lecteur : au-delà de
cette interpellation, cherchez-vous à travers vos écrits à stimuler ou
impliquer le lecteur, pour qu’il ne soit alors plus passif mais véritablement
comme un « acteur » de vos nouvelles ?
MD : Cette adresse au lecteur est avant tout un clin
d’œil et une forme d’hommage à Lautréamont qui dans « Les chants de
Maldoror » commence par une adresse au lecteur assez provocatrice. De mon
côté, j’estime qu’un texte sans lecteur n’est qu’à l’état embryonnaire. Un
texte devient littérature quand il trouve un lecteur. Chaque lecteur enrichit
le texte de son interprétation, sa sensibilité et son imaginaire. Alors oui,
bien sûr, je veux un lecteur adulte et acteur dans sa lecture. En écrivant on
prend un risque. J’ai envie que la lecture soit aussi un risque à prendre.
J’invite donc le lecteur à entrer dans mon univers à ses risques et périls…
mais ne dit-on pas qu’à vaincre sans péril on triomphe sans gloire ?