Ce mois-ci pour les Vases Communicants, j'échange avec Angèle Casanova sur le thème du conte. Voici son texte et ses photos ci-dessous. Mon mini conte "La marchande de nuit" inspiré d'une sculpture de l'artiste Sabrina Gruss (voir son site ici) est sur Gadins et bouts de ficelles, le blog d'Angèle ici.
LES YEUX
ROUGES
Sous la
porte
le secret
suppure
lentement
il la ronge
rouille
rosée
temps qui
passe
il l’attaque
il va gagner
déjà
dans
l’interstice
on devine
l’inavouable
le secret
la porte
solide
l’occulte
mal
les herbes
folles
nous en
écartent
à peine
il est
vie
derrière
la vie
mort
peut-être
mais
grouillante
de vers
de germes
alors
oui
il est
vie
derrière
la vie
Le temps a
passé
Depuis
que cette
porte
a été scellée
la peinture
a coulé
en longues
traînées
abstraites
comme
tracées
de main de
peintre
la poussière
le sable
ont envahi
les
commissures
de la porte
lèvres
d’enfant
glouton
après le
goûter
alors la
main
se tend
pour savoir
ce qu’il y a
derrière
le bouton de
la porte
est là
tout près
tentant
La curiosité
emporte tout
perspective
vision
d’ensemble
sens
critique
ne reste
que
l’envie
le désir
de savoir
ce qu’il y a
derrière
les mains se
tendent
pour gratter
la surface
soulever les
grumeaux de peinture
boutons
d’acné
bien mûrs
qui ne
demandent
qu’à éclater
jubilation
de ce moment
où l’on sait
leur forme
leur
consistance
dans la main
où ils
dévoilent
la peau
sanguine
dessous
alors
observer la
porte
comme un
monde
inconnu
microscopique
et pourtant
infini
devenir
l’homme qui
rétrécit
s’y perdre
dans un
océan de curiosité
d’intention
tendue
vers
un
seul
objectif
ouvrir la
porte
découvrir le
monstre
qui se cache
derrière
A force
de fixer
cette porte
la trouer
par la
pensée
voir
à travers
la porte
s’ajoure
dentelle
aérienne
des trous
d’obus apparaissent
laissent
entrer
la lumière
dans le
réduit
laissent
sortir
les ténèbres
les non-dits
l’odeur de
cave humide
de mort
peut-être
alors
tracer des
yeux
du doigt
les contours
de la dentelle
lui donner
forme
consistance
réalité
et écarter
soigneusement
ce qu’elle
occulte
prendre du
recul
gagner du
temps
le secret
attendra
A travers la
porte
entrevoir
beauté
amour
deuil
Christ et
Marie
enlacés
à la fin
est-ce un
hologramme
un
trompe-l’œil ?
qu’y-a-t-il
derrière ?
la porte est
encore fermée
boîte de
Pandore
illusoire
changeante
la main
tremble
sur le
bouton
tremble
d’ouvrir la
porte
et de
découvrir
autre chose
que cela
l’amour
la mort
le deuil
dans ce
caveau
L’appel
du secret
est
puissant
la main
tourne
le bouton
de la porte
elle s’ouvre
sur un fin
réseau
de toiles
d’araignées
le vent les
caresse
doucement
le gris
le rouge
apparaissent
à nu
sans fard
le secret
dans toute
sa complexité
son horreur
le sang
tache la rétine
fée
elle le
montre
dénonce
au tout
venant
la curieuse
elle a beau
pleurer
frotter
ses yeux
meurtris
marqués au
fer
rouge
chercher à
les arracher
comme un
lapin le ferait
d’une patte
coincée
dans un
piège
fées
ils sont
fées
ils parlent
de son geste
de sa main
qui se tend
qui ouvre la
porte
qui fait
voir
rouge
Elle est une
elle est
plusieurs
pandore ève
épouse de barbe bleue
elle est
toutes et tous
humanité
principe
elle est
toutes et tous
et comme
chacun
regrets
remords
perte
innocence au
loin
et pourtant
en ce geste
rouge
elle se
reconnaît
elle admet
cette voie
unique
la porte qui
s’ouvre
sur le
secret
A
l’intérieur
les corps
pendent
aux crochets
morts
sans grâce
gorge
tranchée
momies
branlantes
à
l’intérieur
pourtant
elle se
révèle
à elle-même
peur
angoisse
elle sait
pourtant
que la seule
voie
pour
retrouver l’extérieur
le vrai
passe par là
ce réduit
plus de
caverne
plus de
matrice
la lumière
chaleureuse
éclairante
l’attend
là
dehors
elle la voit
comme elle
n’a
jamais vu
auparavant
Et pourtant
la peur
reste
là
réelle
à l’excès
elle a peur
pour son cou
pour sa vie
alors elle
reste
là
dans l’ombre
à prier
à genoux
recroquevillée
sur
sa
certitude
mon cou
frissons
glacés sur ses bras
mon cou
frissons
glacés sur ses bras
mon cou
frissons
glacés sur ses bras
mon cou
frissons
glacés sur ses bras
Angèle
Casanova (texte et photographies)
PS. Les photographies ont été prises le 28
juillet, entre 11h et 13h, au Père Lachaise.