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Boîte à musique (nouvelle inédite)


Boîte à musique
 
C’était une boîte à musique de rien du tout, un objet ridiculement petit et sans intérêt particulier. Une babiole. Un bibelot.  Un jouet de petite fille. De gamine pauvre.

Et pourtant.

Et pourtant, le monde basculait quand elle l’ouvrait. Quand la belle danseuse déployait dans l’air oppressant de la maison son petit corps gracile et tournoyant. Quand elle tournait la clé et que la mécanique se mettait en route, une drôle de petite musique égrenait ses notes. C’était le signal, le signal de la liberté de rêver. Elle aurait reconnu cette musique entre mille. C’était sa boîte à musique, son seul trésor. Elle le cachait dans le tiroir fermé à clé de sa commode. Et le serrait souvent contre son cœur asthmatique de petite fille plus si petite.

Et puis vint un jour de grand vent. Un jour de dispute. Un jour de cris fusant entre ses parents. Elle prit sa boîte à musique et sauta dans son lit. La couverture remontée au-dessus de la tête, le visage enfoui dans l’oreiller, elle ouvrit sa boîte… et il se produisit quelque chose d’extraordinaire.  

Elle vit la ballerine de plus près qu’elle ne l’avait jamais vue, le rouge de ses lèvres, le bleu de ses yeux, la blancheur de sa peau, la finesse de ses jambes. Elle entendit la musique avec beaucoup plus d’acuité, elle avait de la musique plein les oreilles. Comment ces quelques notes malingres, chétives, pouvaient-elles faire autant de bruit ? Elle se demanda ce qui se passait, ce qui lui était arrivée… Elle se sentait toute bizarre, pas comme d’habitude. Pas du tout comme d’habitude.
  
La petite fille était entrée dans la boîte à musique. L’air y était doux, chaud, légèrement parfumé ─ odeurs de pain d’épices, d’orange et de cannelle ─ et chargé de promesses. Le sol était moelleux, réconfortant, ses pieds reprenaient vie à son contact ; il était fait de feutre rouge vif et elle aurait pu dormir dessus.

Clic-naq-tzwing- Clic-naq-tzwing-  Clic-naq-tzwing-  Clic-naq-tzwing-  Clic-naq-tzwing-

Elle n’y comprenait rien, elle, à la mécanique de sa boîte à musique. Mais faut-il toujours comprendre le pourquoi et le comment des belles choses offertes par la vie ? Non. Alors elle s’endormit, étendue de tout son long sur le feutre rouge vif de sa boîte à musique sous les yeux de la ballerine tournoyante.  

 

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