Dans le cadre des Vases Communicants, j'échange ce mois-ci avec Eve de Laudec. Nous sommes parties toutes les deux sur les mots fin/faim. Son texte "En fin" est à lire ici et le mien, "L'affamée et la sans faim", est à lire sur son blog là.
En fin
Je reviens de
l’enterrement. Il faut bien revenir d’ailleurs ou de quelque
chose. Enfin, elle, n’en est pas revenue.
J’y ai laissé
quelques scories de lettres informelles, jetées au vent d’hiver,
avec mes non-regrets éternels. En déposant mon bouquet d’artifices,
pour un ultime baiser, je crois que…Oh, j’en suis même sure,
j’ai ri ! Pas un petit rire discret, sous cape, non, un
fou-rire à tordre les étincelles de l’en-faire-part. Je tentais
juste de me couler dans l’ambiance, mais les braves gens n’aiment
pas que …l’on ne soit pas conventionnel. En fin, ils n’aiment
pas que.
Sa mise en bière
s’est déroulée dans un recueillement aussi lourd que le poids des
jours. Il était grand temps que le couvercle se referme,
hermétiquement, pour tarir l’écoulement de ses mauvaises
humeurs. Elle eut aimé une mise en champagne, mais elle n’avait
pas signé de convention obsèques. Aussi avons-nous opté pour la
formule économique peau-au-feu-pression.
Elle avait sa tête
chafouine des vilains jours quand on lui a cloué le bec en même
temps que le cercueil. Cet évènement valait-il quelques couronnes
mortuaires? Pour cette reine éphémère, elles n’étaient que de
papier doré. Entourée de ses fous à grelots, elle s’est éteinte,
chandelle mouchée couchée, trois deux un zéro elle n’était
plus !
Comme on brûle le
roi carnaval à la fin des festivités, on l’a enfournée sous les
accords d’une gigantesque musique de nuit, et dans les flammes qui
crépitaient on a vu saint-guyguyter des sombres, des chagrins
embrochés, des ratages cul-de-jatte, des désirs étêtés, des
joies avalés, d’infâmes tours de vis, des ceps indignes, des
abandons ligaturés puis des guerres familières fratricides
fermentées, fin, fin, faim de trêve, anorexie de justice, gueules
béantes…
Du brasier où
s’échappaient encore quelques souhaits d’un autre temps, des
myriades de clin d’œil scintillant et des espoirs ténus mais
ancrés en matrice, surgit un petit bonheur;
un tout petit bonheur,
en colimaçon. Il enfla, s’étira, grandit, s’ébroua dans les
cendres encore chaudes, explosa en soleil bleu.
Il cria Je nais!
Je reprends le sablier!
Je reviens de
l’enterrement de LaFinDe. Enfin l’an neuf !
Eve de Laudec, entre
fin 2013 et enfin 2014
Petit rappel du principe des Vases Communicants :
« François Bon (Tiers Livre) et Jérôme Denis (Scriptopolis) sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Si vous êtes tentés par l’aventure, faites-le savoir sur le mur du groupe Facebook des vases communicants…
La liste des participants se trouve sur un blog dédié à ce seul usage http://rendezvousdesvases.blogspot.fr/